Présentation du cours de Philippe Mengue : Le corps en fuite (octobre 2017)
Le corps en fuite
Philippe Mengue, cours du 10 octobre 2017.
Le thème du corps, surtout assorti de « dans tous ses états", est un thème branché, à la mode : Le corps sexuel, le corps désirant, érotique, le corps sportif…, le corps des femmes avec les féministes, le corps politique avec les républicains qui n’aiment pas trop ce terme venant de Hobbes et qui leur rappelle trop le poids des cultures, des communautés vivantes et leurs traditions, le poids des langues et des mœurs, bref le substantiel qui fait un corps aux régions et aux nations. Ils aimeraient mieux une modernité débarrassée de ce corps là.
Il y a donc tension dans la modernité autour du corps, prise qu’elle est entre une exaltation du corps individuel porté au pinacle dans les magazines et les grands media, les pubs, etc., au point que la modernité par excellence est caractérisée par la présence du corps et des corps artificiels, comme les computeurs, dans un oubli complet de l’âme et des dieux. Mais, de l’autre côté, la tension se fait avec le corps politique qui lui doit être nettoyé de toute lourdeur appartenant au passé des cultures, des langues, de leur pluralité et diversité, pour une civilisation mondiale unique libérale, basée sur le « Droit rationnel pur".
Cette ambiguïté, cette tension, traverse toute la modernité. D’où vient-elle ?
Il faut revenir aux fondamentaux.
Or cette modernité, avec cette préséance du corps commence avec Descartes (disent Hegel, Husserl). On ne remontera donc pas à l’antiquité.
Contrairement à la caricature Descartes ne s’en tient pas à l’image du « corps-machine".
La modernité est ouverte par la très importante Méditation Sixième portant sur l’union de l’âme et du corps, dont j’espère faire partager la beauté. Trois siècles après cette étrange et géniale théorie de l’union, Husserl, avec les Méditations cartésiennes, et Sartre avec l’opposition de l’en-soi et du pour-soi, Merleau-Ponty et la théorie de la perception vont repartir de cette méditation pour définir leur problématique propre. Descartes donc toujours au centre de la modernité et peut-être le plus pertinent de tous.
Je m’en tiendrai à la Phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty où le corps, soit le corps percevant, l’être-au-monde, vient se substituer au corps uni à l’âme et au sujet transcendantal du « je pense je suis" du sujet cartésien (kantien, husserlien) et au « pour soi" de Sartre. La méditation sur le corps au sens des modernes, sans âme et sans immortalité, il faut aller la chercher chez Merleau, et sa dernière théorie de la Chair.
Ne pouvant tout traiter je laisserai de côté la passionnante question du corps politique pour prendre un recul nécessaire envers toute la phénoménologie en m’appuyant sur Lacan et Deleuze. Le primat phénoménologique du corps apparaîtra alors, malgré tout, sous la dépendance du primat du Sujet, ou d’un sujet dissimulé dans le corps, profitant de l’ambiguïté ou la créant pour s’y cacher.
Or le corps, indiquerons-nous faute de temps, est avant tout troué, en rapport avec l’abîme du sens, bien loin de préparer la naissance du sens dans un sensible originaire.Le corps, post-moderne, nouvelle époque, est un « corps en fuite », un corps désirant qui baise, qui marche, court et nage, pris dans les lignes de fuite traversant un « corps sans organes".
Textes utilisés pour le cours :
Merleau Ponty- perception cube