Thème 2009-2010
Le thème des cours pour cette année 2009-2010 est « La modernité".
Modernes ! Sommes-nous « modernes » ? Faut-il être « moderne » ? Pourquoi être « moderne » ? Et surtout, que veut dire « être moderne » ? Si l’on écoute ce qui se dit dans la sphère politique et médiatique contemporaine, la modernité pourrait bien être notre souverain bien ou notre seule chance de salut : il faudrait que nous soyons toujours plus modernes dans notre conception de la société, de l’école, de l’économie, du rôle de l’Etat, de l’art, de la culture, de la manière de vivre sa vie privée, etc. Les « réformes » diverses des dernières années en témoignent : elles sont bien souvent justifiées d’abord par la nécessité d’être toujours plus modernes, ou de nous adapter aux conditions d’une époque moderne. En outre, ne pas être moderne, n’est-ce pas être réactionnaire ou pour le moins archaïque ? Qui souhaiterait se définir comme tel dans la société d’aujourd’hui ? Forcément modernes, donc ! Quand Arthur Rimbaud écrit qu’« Il faut être absolument moderne » (Une Saison en enfer, 1873), ne décrie-t-il pas ce qui s’oppose à la « vraie vie » ?
Pourtant, la modernité, par opposition au modernisme, est aussi (surtout ?) la matrice d’une condition humaine et de valeurs positives auxquelles nous sommes toujours très attachés et dont nous aurions bien du mal à nous défaire. Emancipation, droits et libertés de toute nature, amélioration sans précédent du confort matériel, protections diverses contre de nombreux risques individuels ou sociaux ne sont-ils pas consubstantiellement liés à notre condition d’hommes et de femmes modernes ? En art, la modernité est associée aux notions de transformation et de rupture, elle va de pair avec une remise en question des codes et avec un renouvellement des formes. Que l’on songe à la peinture abstraite, à l’avènement du cinéma (art « de masse »), à l’usage du fragment en littérature, la modernité comporte une dimension critique, voire subversive…Mais sait-on bien ce qu’est la Modernité ? N’est-ce pas un mot-valise, un concept inconsistant, un fourre-tout commode, un prétexte facile, ou encore une idée creuse ? Dans le sens de l’usage courant, c’est peut-être le cas…
Pourtant, la modernité peut apparaître comme un concept important et profondément signifiant. Etymologiquement, le mot « moderne » vient du latin « modo » qui signifie récent, récemment, maintenant… : être moderne, c’est donc faire ce qui est le plus récent, nous distinguer des pratiques anciennes… Cette étymologie est éclairante sur ce que signifie vraiment la modernité : une méfiance vis-à-vis de ce qui est ancien ; une espérance dans la nouveauté, le renouvellement et l’amélioration permanente du monde ; et surtout, une foi dans le « progrès » qu’on ne doit et qu’on ne peut pas arrêter. Le progrès est l’un de ces mythes fondateurs de la modernité, qui suppose que plus le temps passe et meilleur sera le monde, plus faciles et agréables seront nos existences dans ce monde moderne. Etudier la modernité (sa portée, ses limites et ses éventuels dépassements), c’est donc interroger fondamentalement : les raisons pour lesquelles cette foi dans le progrès peut (ou a pu) exister ; les sources historiques qui l’ont rendue possible et qui lui ont permis de se diffuser de par le monde ; les possibilités d’une postmodernité ; ses limites et ses dangers. Comprendre ce qu’est (et ce que n’est pas) la modernité, c’est donc nous amener à réfléchir sur des caractéristiques essentielles (mais souvent inconscientes) de nos existences.
L’UPA voudrait vous inviter cette année à réfléchir sur ce thème, en l’abordant comme toujours de façon collective et pluridisciplinaire, et en confrontant des points de vue différents. Nous chercherons à définir et à questionner ce concept ; à le soumettre à la réflexion et au jugement critique ; à interroger la modernité en croisant des regards d’économistes, de philosophes, de sociologues, de politistes, d’historiens, de spécialistes de l’art, de l’architecture et de la culture… Fidèle à ses principes, l’UPA proposera cette année encore à ses auditeurs beaucoup mieux que des solutions ou des doctrines prêtes à porter : des réflexions ; des apports, des rappels ou des interprétations différentes de connaissances visant à mieux baliser le terrain et à nous inciter à exercer notre esprit critique dans le monde contemporain.
Jean-Robert ALCARAS